Mémoire DU 2016 d’histoire de la médecine Université René Descartes Paris



CONCLUSION du mémoire

Ce survol de l’histoire des maladies épidémiques en Chine montre à la fois une
grande continuité et d’importantes évolutions, voire l’amorce de fractures
épistémologiques profondes au sein de cette science médicale venue du fond des
âges.

L’histoire des sciences médicales est intimement liée à l’histoire des civilisations.
Elle permet d’édifiantes comparaisons, c’est un privilège de notre époque. La théorie
épidémiologique des influences saisonnières et des agents pathogènes toxi-infectieux
élaborée par l’antiquité chinoise conduisit progressivement à l’éclosion de nouveaux
concepts, jusqu’au XVIIe siècle où jaillirent des intuitions prémonitoires de découvertes à venir sur l’étiologie des maladies infectieuses. Au même moment dans un tout autre contexte naissait en Europe la médecine quantitative moderne qui
devait introduire l’ère pastorienne et l’invention d’une impressionnante panoplie de
remèdes anti-infectieux.

Pourquoi cette révolution se fit-elle en Europe, avec la fracture galiléenne, et non en
Chine qui jusqu’à la fin de l’époque médiévale était technologiquement plus avancée
que la civilisation européenne ? C’est la question que se posa Joseph Needham
(1900-1995) le grand historien des sciences dont l’œuvre fait la part si belle à la
médecine. Pour lui l’une des raisons principales de la faillite de la science et de la
technologie modernes en Chine serait l’échec, à cause d’un système bureaucratique,
de l’ascension au pouvoir de la classe marchande. Les marchands en effet dans leur
commerce ne peuvent se passer de mesures précises, d’où l’invention des sciences
exactes. Le perfectionnement du microscope et la découverte fortuite des bactéries
par le savant drapier Leeuwenhoek à la fin du XVIIe siècle ou le développement de la chimie du benzène au XIXe, à l’origine de toute l’industrie pharmaceutique moderne, confortent sa thèse.

La médecine chinoise de son côté perfectionna un système médical traditionnel
fondé sur un modèle pathogénique et nosologique totalement différent des modèles
occidentaux, tant médiéval que scientifique actuel. Ses résultats ne sont pas pour
autant négligeables et pourraient contribuer à l’avenir à mieux répondre au défi des
maladies infectieuses émergentes.